La conscience tangible, ou les confidences d'un caméléon ahuri

Amie blogienne, tu le sais, j'excelle dans une chose : avoir particulièrement idiot. Je vais tenter de t'expliquer une situation où j'ai trouvé mon interlocutrice complètement abrutie simultanément où elle devait en fait se dire la même chose de moi.

J'étais au dépanneur [je sais que le dépanneur est un concept typiquement québécois permets- moi de te mettre au parfum.] Un dépanneur est un peu l'équivalent de ce que vous appellez, je crois, un superette. Donc c'est un petit commerce qui vend des trucs pour la commodité quotidienne. Du lait, du pain, des billets de loterie, du carburant à fondue. Se sont de petits commerces, qui pulullent à tous les coins de rue, ce qui les rends fort accessibles et souvent fort utiles puisque leurs heures d'ouvertures et leur proximité nous évite de se déplacer jusqu'au supermarché, généralement plus loin. Ils nous dépannent, donc ce sont les dépanneurs. Fin de l'explication. Je t'expliquerai un jour le concept de la cabane à sucre :-)

Je suis au dépanneur, et la caissière est un dame d'origine que j'imagine être haïtienne. Si je spécifie, c'est pour la suite car tu sais, amie blogienne, que je ne suis nullement raciste. Je fais quelques emplettes et en arrivant au comptoir, je demande un paquet de gomme (chewing, pas à effacer). Et là l'amphigouri commence car je dis, et je cite :

- Bonjour, je voudrais un paquet de gomme Trident s.v.p.

Et elle de me répondre poliement (avec un accent haïtien gros comme ça) :

- Palloufwancè ? Ce que je crois assurément être : Parlez-vous français?

Moi un brin stupéfait.

- Oui, oui je parle français. (Et de réitérer en articulant plus soigneusement) Je voudrais un paquet de gomme Trident, s.v.p.

Et elle de rétorquer :

- Palloufwancè ?

- Oui-je-parle-français-et-je-voudrais-de-la-gomme-Trident-s'il-vous-plaît. Dis-je en pointant vers l'étalage de gomme derrière elle, en articulant comme un débile profond.

Et elle rebelote, avec une lueur dans l'œil qui trahit qu'elle commence à concevoir à mon égard des soupçons sur ma santé mentale:

- Palloufwancè ?

Et là le Pepto, il commence à trouver ça un peu moins drôle. Je me targue tous les jours sur mon blog d'être un minimum lettré et là je commence à me dire qu'au fond je n'ai pas vraiment besoin, ni envie de cette satanée gomme, mais je me dis que je ne me laisserai pas arrêter par un obstacle de cette nature. Et, je reformule :

- La gomme derrière vous, la Trident, je veux acheter ce paquet de gomme.Alors seulement elle se retourne et me dit sur un ton exaspéré :

- Pall ou fwancè ? En alternant la main d'un paquet pâle à foncé.

J'allume! Pâle ou foncé , palloufwancè du pareil au même... je dis : foncé je paie et je sors. J'éclate de rire. Je suis seul sur le trottoir et je me bidonne joyeusement, les larmes aux yeux, les lèvres spumescentes. Les enfants font un détour par l'autre trottoir craignant le monsieur-qui-rit-tout-seul. De surcroît, j'ai l'air idiot autant à l'extérieur qu'à l'intérieur.