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La conscience tangible, ou les confidences d'un caméléon ahuri

Tergiversations chroniques et autres fabulations

La citation passagère
Les événements à venir projettent leur ombre en avant.

Goethe

Toucher à ma conscience?
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Ma Lénore perdue...

Amie blogienne tu le sais, je suis un homme d'une sensibilité accrue. Ainsi il m'a été donné de verser une seule et solitairement silencieuse larme hier.

J'étais dans le train au retour du travail et comme d'habitude, je lisais. J'étais cette fois-ci complètement embrumé entre les méandres du non-être de Cioran et les Proêmes de Ponge. Un portable soudainement se manifeste; ce n'est pas le mien. Je lève les yeux entre deux pensées métaphysiques et la femme à mes cotés réponds d'une voix flûtée:

- Allo?

- ... (Sic)

- Oui, c'est bien moi...

- ... (Je n'entends pas les propos de l'interlocuteur, il va sans dire!)

Je replonge le nez dans les pages déconfortantes du traité sur l'inconvénient d'être né. Et pourquoi lis-je ça me demandes-tu? Mais par soucis d'élévation spirituelle! Il n'apparaît pas comme tel, mais je suis un être pensant (oui oui).

Je n'ai à peine recommencé à mâchouiller l'âpre philosophie qu'une force étrangère m'arrache de nouveau les yeux à celle-ci.

Mon regard se pose sur ma voisine.
Mon regard se pose sur le visage de ma voisine.
Mon regard se pose sur le visage complètement hébété de ma voisine.
Mon regard se pose sur les yeux de ma voisine où sourdent deux torrents magnifiques de larmes sincères et douloureuses.

Je suis malaisé. Elle a les bras ballants et le portable grésille encore.

Comme je m'apprête à replonger dans mon indifférence bénie, son regard capte le mien de sa croissante détresse. Soudainement, sans raison, l'humanité fait son oeuvre. Je me retourne vers elle imperceptiblement. Elle n'hésite pas et se blottit dans mes bras pour pleurer tout son soûl. Je suis muet. Je ne suis qu'une épaule-éponge. Je suis tout retourné du malheur de cette femme que je ne connais que pour l'avoir déjà vu de loin dans le train.

Puis, le torrent fini par s'assécher, elle se resaisit, s'excuse avec un demi rire nerveux et me souffle un merci. (Il résonne encore dans ma tête en ce moment)

Elle est arrivée à destination, moi non. Elle sort, moi non. D'autres gens dans le train me regardent alors que coule cette solitaire larme sur ma joue. Toute la soirée j'ai essayé d'imaginer la cause d'une telle douleur. Ça m'a rappellé Poe et ce poème.

Le Corbeau

Une fois, par un minuit lugubre, tandis que je m'appesantissais, faible
et fatigué, sur maint curieux et bizarre volume de savoir oublié, tandis
que je dodelinais la tête, somnolant presque, soudain se fit un heurt,
comme de quelqu'un frappant doucement, frappant à la porte de ma
chambre, cela seul et rien de plus

Ah! distinctement je me souviens que c'était en le glacial décembre :
et chaque tison, mourant isolé, ouvrageait son spectre sur le sol.
Ardemment je souhaitais le jour; vainement j'avais cherché d'emprunter
à mes livres un sursis au chagrin - au chagrin de la Lénore perdue -
de la rare et rayonnante jeune fille que les anges nomment Lénore -
De nom, pour elle ici, non, jamais plus!

Et de la soie l'incertain et triste bruissement en chaque rideau purpural
me traversait, m'emplissait de fantastiques terreurs pas senties
encore : si bien que, pour calmer le battement de mon coeur, je
demeurais maintenant à répéter : C'est quelque visiteur qui sollicite
l'entrée, à la porte de ma chambre; quelque visiteur qui sollicite l'entrée
à la porte de ma chambre; c'est cela et rien de plus

Mon âme se fit subitement plus forte et, n'hésitant davantage :
"Monsieur, dis-je, ou madame, j'implore véritablement votre pardon ;
mais le fait est que je somnolais, et vous vîntes si doucement frapper,
et si faiblement vous vîntes heurter, heurter à la porte de ma chambre,
que j'étais à peine sûr de vous avoir entendu.
" Ici j'ouvris grande la porte : les ténèbres et rien de plus

Loin dans l'ombre regardant, je me tins longtemps à douter, m'étonner
et craindre, à rêver des rêves qu'aucun mortel n'avait osé rêver encore ;
mais le silence ne se rompit point et la quiétude ne donna de signe ;
et le seul mot qui se dit, fut le mot chuchoté "Lénore!"
je lechuchotai et un écho murmura de retour le mot "Lénore!"
purement cela et rien de plus

Rentrant dans la chambre, toute l'âme en feu, j'entendis bientôt un
heurt en quelque sorte plus fort qu'auparavant. "Sûrement, dis-je
sûrement c'est quelque chose à la persienne de ma fenêtre. Voyons donc
ce qu'il y a et explorons ce mystère ; que mon coeur se calme un moment
et explore ce mystère ; c'est le vent et rien de plus."

Au large je poussai le volet, quand, avec maints enjouement et agitation
d’ailes, entra un majestueux corbeau des saints jours de jadis. Il ne
fit pas la moindre révérence, il ne s’arrêta ni n’hésita un instant : mais,
avec une mine de lord ou de lady, se percha au-dessus de la porte de
ma chambre ; se percha sur un buste de Pallas, juste au-dessus de la
porte de ma chambre ; se percha, siégea et rien de plus

Alors cet oiseau d’ébène induisant ma triste imagination au sourire,
par le grave et sévère décorum de la contenance qu’il eut : "Quoique
ta crête soit chenue et rase, non! Dis-je, tu n’es pas, pour sûr, un
poltron, spectral, lugubre et ancien Corbeau, errant loin du rivage de
Nuit - dis-moi quel est ton nom seigneurial au rivage plutonien de
Nuit." Le Corbeau dit : "Jamais plus."

Je m’émerveillai fort d’entendre ce disgracieux volatile s’énoncer aussi
clairement, quoique sa réponse n’eût que peu de sens et peu d’à-propos ;
car on ne peut s’empêcher de convenir que nul homme vivant n’eut
encore l’heur de voir un oiseau au-dessus de la porte de sa chambre
- un oiseau ou toute autre bête sur le buste sculpté au-dessus de la porte
de sa chambre -, avec un nom tel que : "Jamais plus."

Mais le Corbeau perché solitairement sur ce buste placide, parla ce
seul mot comme si son âme, en ce seul mot, il la répandait. Je ne proférai
donc rien de plus ; il n’agita donc pas de plume, jusqu’à ce que je
fis à peine davantage que marmotter : "D’autres amis déjà ont pris
leur vol, demain il me laissera comme mes espérances déjà ont pris
leur vol." Alors l’oiseau dit : "Jamais plus."

Tressaillant au calme rompu par une réplique si bien parlée ; "Sans
doute, dis-je ce qu’il profère est tout son fonds et son bagage, pris à
quelque malheureux maître que l’impitoyable Désastre suivit de près
et de très près suivit jusqu’à ce que ses chansons comportassent un
unique refrain ; jusqu’à ce que les chants funèbres de son Espérance
comportassent le mélancolique refrain de "Jamais - jamais plus."

 Le Corbeau induisant toute ma triste âme encore au sourire, je roulai
soudain un siège à coussins en face de l’oiseau, et du buste, et de la
porte ; et m’enfonçant dans le velours, je me pris à enchaîner songerie
à songerie, pesant à ce que cet augural oiseau de jadis, à ce que
ce sombre, disgracieux, sinistre, maigre, et augural oiseau de jadis
signifiait en croissant : "Jamais plus."

Cela, je m’assis occupé à le conjecturer, mais n’adressant pas une syllabe
à l’oiseau dont les yeux de feu brûlaient, maintenant, au fond de mon
sein ; cela et plus encore, je m’assis pour le devine, ma tête reposant
à l’aise sur la housse de velours des coussins que dévorait la lumière
de la lampe, housse violette de velours qu’Elle ne pressera plus, ah!jamais plus.

 L’air, me sembla-t-il, devint alors que dense, parfumé selon un
encensoir invisible balancé par les Séraphins dont le pied, dans la chute
tintait sur l’étoffe du parquet. "Misérable! m’écriai-je, ton Dieu t’a
prêté ; il t’a envoyé par ces anges le répit, le répit et le népenthès dans
ta mémoire de Lénore! Bois! oh! bois ce bon népenthès et oublie cette
Lénore perdue!" Le Corbeau dit : "Jamais plus."

"Prophète, dis-je, être de malheur! prophète, oui, oiseau ou démon!
Que si le Tentateur t’envoya ou la tempête t’échoua vers ces bords,
désolé et encore tout indompté, vers cette déserte terre enchantée, vers
ce logis par l’horreur hanté : dis-moi véritablement, je t’implore! y a-t-il
du baume en Judée? Dis-moi, je t’implore." Le Corbeau dit :
"Jamais plus!"

"Prophète, dis-je, être de malheur! prophète, oui, oiseau ou démon!
Par les cieux sur nous épars, et le Dieu que nous adorons tous deux,
dis à cette âme de chagrin chargée si, dans le distant Eden, elle doit
embrasser une jeune fille sanctifiée que les anges nomment Lénore
- embrasser une rare et rayonnante jeune fille que les anges nomment
Lénore." Le Corbeau dit : "Jamais plus!"

 "Que ce mot soit le signal de notre séparation, oiseau ou malin
esprit" hurlai-je en me dressant. "Recule en la tempête et le rivage
plutonien de Nuit! Ne laisse pas une plume noire ici comme un gage
du mensonge qu’a proféré ton âme. Laisse inviolé mon abandon! quitte
le buste au-dessus de ma porte! ôte ton bec de mon coeur et jette ta
forme loin de ma porte!" Le Corbeau dit : "Jamais plus!"

Et le Corbeau, sans voleter, siège encore, siège encore sur le buste pallide
de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre, et ses yeux ont
toute la semblance des yeux d’un démon qui rêve, et la lumière de la
lampe, ruisselant sur lui, projette son ombre à terre : et mon âme,
de cette ombre qui gîte flottante à terre ne s’élèvera - jamais plus.

Elle n'était pas dans le train ce matin. Quelque part, j'en suis soulagé. C'est fou,
j'aurais été gêné de la voir ce matin. Comme s'il était impudique de souffrir.
Pourtant je ne sais guère plus d'elle ce matin qu'hier matin...

Je me sens tout drôle...

Ecrit par Pepto, le Vendredi 11 Février 2005, 12:39 dans la rubrique "Au quotidien".

Commentaires :

jujuly
11-02-05 à 17:11

Si tu l'avais vue (peut-être l'as-tu revue, d'ailleurs, le soir, à l'heure où je t'écris?) elle se serait trouvée sûrement plus gênée que toi, et c'est toi, curieusement, qui l'aurais convaincue du contraire, qu'il n'y avait aucune impudeur à ce que vous avez partagé.
Quand je pense que je bosse à la maison... Les trucs que je rate...

 
rainette
12-02-05 à 11:03

Jamais plus

N'écriras de long poême si sombre sur ton blog
Même si Poe fût un grand auteur, là, ce texte me laisse quelque peu...glacée !
Mais ton inconnue larmoyante peu donner lieu à bien des suppositions sur l'objet de son chagrin.....
Déjà, en disant "c'est moi" on sait qu'elle parlait à qq'un qu'elle ne connaissait pas et qui ne la connaissait pas (police ? hôpital ?) et qui manifestement lui a annoncé une fort triste nouvelle...
BOn, je vais prendre quelques cours de "police scientifique" et je revbiendrai quand j'aurai la réponse !!! (où tu me hèles quand tu l'as !!!)
;-)

 


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